Et puis arriva la pandémie…

Aux Seychelles : répondre aux vulnérabilités pendant et après la COVID-19

13 mai 2020

Association des agriculteurs de Baie Ste Anne, Seychelles, octobre 2019. Photo PNUD Seychelles / Ramatoulaye Moussa Mazou

Pas de nuages à l’horizon…

Il y a un peu plus de quatre mois, les Seychelles, un archipel comprenant 97 000 habitants et 115 îles, pouvaient se réjouir. Selon le Rapport du PNUD sur le développement humain en 2019, le pays était devenu le premier d’Afrique subsaharienne à obtenir un indice de développement humain très élevé, avec une augmentation de son revenu national brut par habitant d’environ 82,9 % entre 1990 et 2018.

Les Seychelles ont également été encensées pour des financements innovants qui leur ont permis de faire face à un niveau d’endettement élevé et de soutenir l’économie bleue. Mis en place en partenariat avec The Nature Conservancy (en anglais), la Banque mondiale et des capitaux privés, le Blue Bond a offert au pays la possibilité de restructurer sa dette et d’investir dans la pêche durable et la protection des moyens de subsistance.

L’archipel s’est également maintenu à l’avant-garde de la conservation en désignant un tiers de son territoire océanique comme zone marine protégée, soit une zone plus vaste que l’Allemagne. Il a aussi initié le premier projet de planification spatiale marine de grande envergure dans l’océan Indien occidental, l’un des premiers parmi les petits États insulaires en développement (PEID).

Jusque-là, tout indiquait que le pays atteindrait ses Objectifs de développement durable. Malgré des défis persistants, il contemplait des horizons dégagés.

Tempête en vue

Mais, le 30 janvier 2020, alors que le COVID-19 commence à se propager dans le monde, les instances de santé publique des Seychelles émettent un avis aux voyageurs et lancent un plan d’urgence. Après deux premiers cas signalés le 14 mars, le pays restreint progressivement l’accès à son espace aérien afin de protéger sa population, son industrie et ses moyens de subsistance, y compris l’industrie du tourisme(PDF, en anglais) qui représente 25 % de son PIB.

L’interdiction complète de voyager entre en vigueur le 9 avril 2020, et d’autres restrictions suivent, y compris un couvre-feu national et une limitation du commerce et de l’industrie aux services essentiels. En moins de six semaines, à l’exception des vols de fret et de rapatriement, les Seychelles se retrouvent coupées du monde, y compris de leur voisin le plus proche, à environ 1 500 km.

Avec seulement 11 cas à ce jour, les Seychelles ont su répondre à la pandémie avec force. Les mesures prises ont permis de sauver des vies, mais elles auront également des conséquences socio-économiques profondes. Selon le budget amendé des Seychelles, New priorities in a new reality (PDF, en anglais), l’économie devrait entrer en récession, avec « une croissance économique négative de 10,8 %, par rapport à la projection initiale de 3,5 % de croissance dans la présentation du budget [original]. » Une grande partie de ce ralentissement est attribuable aux secteurs de l’hébergement et de la restauration qui sont liés au tourisme.

La réponse seychelloise à la pandémie comprend un large éventail de mesures fiscales, monétaires et macros financières (FMI, en anglais). Elle implique également des mesures de protection sociale telles que des garanties pour les salaires dans le secteur privé pour 3 mois, une augmentation de la dotation budgétaire pour l’Agence de protection sociale et de lutte contre le chômage, une réduction temporaire de 6 mois des taux d’intérêt sur les prêts bancaires, et un soutien au secteur agricole pour promouvoir la sécurité alimentaire et les moyens de subsistance. Tout cela va s’avérer très coûteux. Au total, le ratio de la dette au PIB (produit intérieur brut) projeté par le ministère des Finances à la fin de 2020 est estimé à 85,1 %, au lieu des 52 % prévus dans le budget 2020 de l’avant-COVID-19.

Une question de vulnérabilité et de résilience

Le 1er mai 2020, la Brève # 64 du Département des Affaires Économiques et Sociales des Nations Unies (en anglais) soulignait les raisons pour lesquelles les PEID - en tant que pays vulnérables aux chocs environnementaux- méritaient « une attention particulière alors que le monde est confronté à une crise économique et sanitaire sans précédent ».

Cela a été souligné en 2014, lorsque la troisième conférence internationale des Nations Unies sur les petits États insulaires en développement (PEID) a fait appel aux Modalités d’action accélérées des petits États insulaires en développement (Orientations de Samoa, PDF). Axées sur l’atténuation et l’adaptation au changement climatique, les Orientations de SAMOA ont éclairé les Objectifs de développement durable adoptés en septembre 2015 ; avec un accent sur le financement, les partenariats, le commerce, le renforcement des capacités, les données et les statistiques, la technologie, la surveillance et la responsabilisation dans l’ensemble des 17 Objectifs. Depuis lors, ces arguments ont été avancés lors de divers événements mondiaux et ont été mis en lumière dans le rapport de l’OCDE intitulé ‘Making Development Co-operation Work for Small Island Developing States’ (PDF, en anglais).

La pandémie de COVID-19 illustre, une fois de plus, que les PEID sont non seulement vulnérables aux chocs climatiques, mais aussi aux chocs économiques et sanitaires, entre autres.

Le moment est venu…

La CNUCED note que « bien que certains des PEID ne soient pas parmi les pays les plus pauvres, ils sont tous vulnérables » (en anglais). Pourtant, la plupart des fonds mobilisés par la communauté internationale pour lutter contre la pandémie et contrer les crises économiques qui en résultent sont destinés aux pays à faible revenu et aux pays émergents. Des revenus élevés et des progrès dans les indices de développement humain pourraient ne pas être suffisants pour aider les Seychelles à surmonter une situation qui ébranle de plus grands pays.

Le moment est venu de se pencher sur la question de l’indice composite de vulnérabilité (en anglais) et de son application aux économies des PEID et d’envisager - comme proposé dans les Orientations de SAMOA – de transformer intentionnellement le discours sur le développement des PEID et de garantir leur accès aux ressources nécessaires pour résister aux chocs futurs.