Entretien avec Adidjé Kerala, Comité de Stabilisation à Guitté, au Tchad

30 mars 2021

En ce mois de mars 2021 où la lutte pour les droits des femmes est au devant de la scène, nous avons rencontré Adjidé Kerala, la toute première femme à la tête du Comité de Stabilisation de Guitté, localité de mise en œuvre par le PNUD, dans la Province du Lac, du Projet Fenêtre Nationale du Tchad de la Facilité régionale de Stabilisation.

Dans le contexte sociétal assez conservateur de Guitté, l’exemple d’Adidjé lance un signal fort en faveur de l’autonomisation des femmes et de la lutte contre des violences ou discriminations basées sur le genre telles que le mariage précoce, les mutilations génitales, ou la non-scolarisation des filles.  Dans une société où la reconnaissance et la jouissance de leurs droits reste une quête ardue, elle incarne le progrès, et l’espoir, celui de nombreuses femmes qui aspirent aussi à l’émancipation et à l’égalité.

Adidjé nous a confié son témoignage et a partagé avec nous son expérience.

« Mon nom est Adidjé Kerala, je suis la présidente du Comité de Stabilisation de Guitté. Ce comité est constitué de 20 personnes réparties en quatre sous-commissions. Nous nous rencontrons toutes les deux semaines pour discuter de nos difficultés et préconiser des solutions. Chaque rencontre est une occasion de payer sa cotisation, ce qui nous permet de renflouer notre caisse, et partant de nous entraider et de venir aussi en aide aux étrangers qui arrivent dans notre localité.

Notre mission consiste à planifier et à mettre en œuvre toutes les activités contribuant à la stabilité et au vivre ensemble dans notre localité. Je signale que depuis la mise sur pied du comité, nous avons réussi à résoudre beaucoup de problèmes entre nous et les étrangers de passage. Nous avons également facilité la cohabitation entre les forces de défense et de sécurité et la population, en net progrès par rapport aux années précédentes. Le principe d’hospitalité est au cœur de toutes nos actions. »

Mon élection à la tête du comité de stabilisation ?

« Cela n’était pas chose aisée, au début, bien sûr. Il y avait une préférence marquée pour qu’un homme soit nommé à la présidence du comité. Ce qui a fait une différence, et a pesé en ma faveur, finalement, c’est le principe du consensus mis en place au sein du comité pour les prises de décision. Le président intérimaire a lui-même plaidé en faveur de ma désignation et les autres membres se sont rangés à son avis. C’est un rôle assez gratifiant, car c’est essentiellement un travail d’équipe, et je suis écoutée et respectée de tous. » 

Mon conseil aux femmes ?

« Je conseillerais à mes sœurs et mes filles de ne plus rester en marge, comme c’était le cas les siècles précédents, à une époque où on ne concevait la place de la femme qu’à la cuisine ou auprès des enfants, c’est à dire à la maison. Aujourd’hui, nous les femmes, nous avons potentiellement la liberté et la capacité de faire tout ce que font les hommes. J’appartiens pour a part au monde associatif depuis longtemps, un monde où les femmes font leurs preuves tous les jours. Heureusement, les hommes qui nous entourent comprennent de plus en plus que nous sommes des partenaires incontournables pour le développement. Ils nous apportent leur soutien, même si des efforts restent à faire sur ce point. J’exhorte les femmes à se mettre au travail et à s’affirmer, au même titre que les hommes. Si l’on les sollicite pour un travail, qu’elles le fassent, sans hésitation, et sans aucun complexe. »